Françoise Hardy Blues offre aux téléspectateurs un
florilège de ses tubes ( “Mon amie la rose”, “La nuit
est sur la ville”, “L’amitié”, “Ce petit cœur” , “La
maison où j’ai grandi” et des versions instrumentales
de “Tous les garçons et les filles” et “Je suis
d’accord”) .
En plus des chansons nouvelles : les 4 chansons de
l’EP qui sortira en novembre ( Rendez-vous
d’automne, Comme, Peut-être que je t’aime et “Je
changerais d’avis) + une version de “Si c’est ça”
spécialement enregistrée pour cette émission.
Equilibre idéale entre anciens succès et nouveaux
enregistrements pour que Françoise renoue avec son
public.
Début octobre Françoise Hardy prépare son show de rentrée “Françoise Hardy Blues” dirigé par Jean-Christophe
Averty et produit par Michèle Arnaud. Ses partenaires sont Jacques Dutronc et Bobby Lapointe, ce dernier remplace
Michel Polnareff qui finalement a abandonné ce projet. Il existe des annonces de ce show avec son nom.
Eh bien voilà l’automne est là , moi aussi.
Vous allez assister à un show comme on dit
pour l’instant et pour faire un jeu de mot dû
à Jacques Lanzmann c’est moi qui ai chaud.
Tant mieux comme ça j’espère que je ne
jetterai pas un froid. D’ailleurs j’ai le
sens des économies, je ne jette jamais rien.
Tous les garçons et les filles (instr.)
Comment devient-on Sheila ?
Je suis d’accord (instr.)
Duo : J’aime les garçons ...
Le show s’ouvre sur “Rendez-vous d’automne”, chanson créée par le tandem Bourgeois-Rivière et enregistrée
sous la direction de Charles Blackwell dans les studios Pye à Londres. La version anglaise “Autumn rendez-vous”
était déjà sortie en septembre sur le marché anglais. Le show met cette chanson à l’honneur puisqu’elle succède
au tube de l’été “La maison où j’ai grandi” dont le succès sera difficile à égaler.
Averty nous présente un décor mouvant de mains,
portants des gants blancs, qui apparaissent ou
disparaissent et réfèrent aux feuilles qui frissonnent
et qui s’envolent à jamais.
Ce n’est pas vraiment un ballet mais une sorte de
mise en scène chorégraphique, par Dirk Sanders.
Le décor invisible, mais bien existant, est une étagère
à trois plateaux, avec en arrière des panneaux où les
danseurs où les comédiens pouvaient se cacher.
Souvent les acteurs portent des collants et cagoules de
la même couleur du fond ( bleu ou noir) . Ils ont de
toutes petites ouvertures pour les yeux, autrement on
les verrait, et ils ont un mal fou à regarder par terre et
à trouver leur croix. On ne peut pas danser en
regardant par terre.
L’ensemble est en velours noir. Averty avait utilisé ce
décor à plusieurs reprises.
Dans ce show il va utiliser l’étagère une seconde fois pour la
mise en scène de “Ce petit cœur ”.
L’illustration de cette chanson fait appel à une symbolique
simple déclinée sur tous les modes: l’amour est un cœur
Et cette chanson rythmée permet à Averty de se donner à cœur .
Il y a toutes sortes de cœur .
Il y a les danseurs , mis sur des étagères, pour les accrocher
dans l’espace. Il suffit que les danseurs, en collants noirs, se
tournent pour changer de cœur . La synchronisation du
joyeux ballet est primordiale. Les cœurs les plus hauts sont les
plus petits comme ils se trouvent sur l’étagère la plus éloignée
de Françoise. En observant bien la photo vous découvrez les
jambes des petits cœurs.
D’autres cœurs sont des trous dans une paroi noire. Françoise ,
prise entre cette paroi noire et un fond noir, regarde à travers
un trou en forme de cœur. Image projetée sur une chaîne
bougeante de cœurs blancs sur fond noir. Les fonds sur lesquels
Averty incruste ses personnages sont d’une part des fonds
animés par des systèmes mécaniques, et d’autre part des
éléments fixes comme les cartons-décors offrant parfois des
découpes pour l’intégration d’éléments mobiles. Malgré
l’application de plusieurs couches d’images, l “incrustation”
est telle que l’écran reste “plat”comme une page.
Pour représenter un cœur on
utilise l’image graphique d’un
cœur. C’est simple. Averty
applique cette littéralité souvent
dans son œuvre.
Un bel exemple est le premier
volet de “La maison où j’ai
grandi”. Françoise chante
qu’elle se tourne vers ses
souvenirs, et là voilà sur la
plaque tournante (ou bien sous
un caméra tournant), les yeux
fermés.
Super images, obtenues grâce
au dépouillement de l’image,
qui permet de se concentrer
pleinement sur l’interprète.
Le deuxième volet démarre quand la chanson s’accélère, les images
suivent et soutiennent la cadence . Averty nous offre une Françoise
qui, tout en continuant à chanter, sautille d’un rectangle à l’autre,
ce qui contraste fortement avec la lenteur et douceur des images
qui précèdent. Contraste entre ses souvenirs à la maison où elle a
grandi (où le temps s’était arrêté) et la ville frénétique.
“La nuit est sur la ville” démarre sur le dessin de la spirale qui a la propriété de se retourner sur elle-même, de revenir
à son point de départ. La symbolique de la spirale est multiple et entrant le domaine de l’inconscient (la nuit) on peut
s’égarer facilement en voulant l’expliquer. Limitons-nous à dire que c’est devenu la signature d’ Averty et qu’il
l’utilise régulièrement, aussi dans ses pièces de théâtre.
Chez Averty souvent la forme suit le contenu et les deux éléments, spirale et cercle, reflètent le désarroi intérieur de
Françoise Hardy. Elle tourne en rond, suivant la spirale, tout comme ses pensées (en colimaçon). Sa vie ordonnée et la
certitude d’un amour sont troublées, même menacées par la séduction que l’Autre exerce sur elle. Elle va résister et se
retrouver au point du départ quand la nuit , qui symbolise le danger du Désir, quitte la ville (ici représentée par des
gratte-ciels). Le visage de Françoise, tout le long du show, est exploitée sous tous les angles. Ici on l’a filmée d’en bas,
là où résident et règnent les impulsions.
“Mon amie la rose” est une chanson sur la déchéance,
aux résonances médiévales par la construction des
couplets et la moralité du message. Présenté par ce
troubadour romantique ce thème passe , car les gens
n’aiment pas qu’on les dérange, qu’on leur balance à
travers la figure la réalité qui leur attend
( maladie, déchéance, vieillesse, mort ) .
Françoise a toujours été très sensible au temps qui passe et aux chansons qui en parlent. Elle a repris
“Ma jeunesse fout le camp” de Bontempelli et puis “Il n’y a pas d’amour heureux” de Brassens,
touchée par la phrase “ le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard”.
Françoise croit à un au-delà mais a peur
de l’inconnu. Pour ce qui est de la mort,
elle fait la navette entre deux défenses:
l’oubli et la préparation
Françoise n’aime pas trop ce clip qu’elle trouve
trop statique mais nous, on ne regrette pas ces
images d’une beauté à nous couper le souffle.
Cependant ce sont ces sujets qui fascinent Averty,
qui en est plus touché que par la jeunesse, la
réussite, la perfection,...
Il glisse entre les images de la rose (Françoise
elle-même) des dessins , qui nous rappellent les
“danses macabres”, et du même coup des poèmes
moraux bien plus lugubres du Moyen-Age.
Il accentue qu’il n’est pas sadique mais un
“angoissé” (il a la trouille devant la mort qu’il
trouve une grande injustice) et qu’il ne fait que
confronter les gens à une réalité qui existait déjà
en dehors de lui.
Françoise est montée sur un socle pivotant entre
deux jeux de glaces eux-mêmes animés d’un
mouvement de rotation.
Un réalisateur inspiré et obstiné, aux talents variés,
capable de mettre en images un humour grinçant et
absurde, mais aussi de passer à la tendresse et la poésie...
Averty ? Bien sûr, mais il y en a d’autres...Charlie Chaplin.
Le personnage de Charlot, rejeté par la société, doit
forcément plaire à Averty et le choix de Chaplin pour
illustrer “L’amitié” n’étonne qu’à première vue. Qui a
l’habitude de voyager “ avec soleil et pluie comme simple
bagage”... un clochard. A la fin de la chanson c’est
Françoise qui porte la canne ( “il se peut qu’à mon tour je
ne sois plus personne”).
Le décor est constitué de plusieurs Charlots cartonnés qui
créent une illusion d’infini dans un espace fini. Même ici
Averty va éliminer tout ce qui pourrait donner une
impression de relief. Comme toujours, les murs et le sol du
studio d’enregistrement sont peints en blanc (ou en bleu au
besoin) et leur arête de jonction disparaît sous une courbe
douce. Les cartons-décors sont absolument lisses pour
éviter la création d’ une perspective. Averty reste fidèle à
la mise en pages, aussi en traitant des plans
tridimensionnels.
Les images de Françoise Hardy, se promenant entre les Charlots,
alternent avec des photos de Chaplin, qui représentent une scène
d’amitié entre lui et une petite amie ou un chien. Ca fait beaucoup
de Charlots. C’est peut-être ça qui a créé le malentendu dans la
programmation annonçant la participation des Charlots.
Dans leur coeur est gravée une infinie tendresse
mais parfois dans leurs yeux se glisse la tristesse
Alors ils viennent chez moi et toi aussi tu viendras
Charlie peut s’enflammer pour une jeune fille,
mais c’est toujours par “L’amitié” qu’il va
finalement conquérir le coeur de la belle.
On avait déjà vu le même usage de “personne cartonnée” dans
“ La plus belle pour aller danser”.(Johnny et Sylvie Show 1965).
Sylvie se trouve au milieu de Sylvies cartonnées qui “dansent” autour
d’elle. Averty est venu à un point où il est difficile à se renouveler.
Qu’il est souvent en manque de temps joue aussi.
Le Françoise Hardy Blues nous offre ses trouvailles du meilleur cru.
Françoise Hardy avec Jean-Christope Averty , le réalisateur,
et Michèle Arnaud, la productrice de son show.
Francoise avec sa maman, toujours dans les parages.
La réalisation de la chanson “Mini ,mini, mini” de Jacques Dutronc est un bel exemple du “montage intérieur”.
Le montage chez Averty n’est pas seulement l’assemblage de plans consécutifs, mais aussi celui de plans simultanés.
La co-présence de scènes différentes, à un même niveau de frontalité,
se passe de la profondeur du champ. Des cadrages et des échelles de
plan différents permettent qu’un grand Dutronc est confronté à une
petite Hardy, ou que p.e. Johnny Hallyday chante en alternance avec
son petit sosie. ( Johnny et Sylvie show 1965). De nouveau du déjà vu.
L’incrustation se réalise ici comme une juxtaposition d’images.
Autre trucage est de filmer le chanteur devant une grande photo, souvent de soi-même. Un procédé qui à l’époque a
été appliqué dans un tas d’émissions de télé. Ainsi Jacques Dutronc est placé dans une situation qui semble plus
séduisante qu’elle n’est. (bien que Jacquot détourne pudiquement le regard de la terre promise).
Pas d’animateur non plus dans les shows d’Averty. Parfois les chansons ne s’enchaînent pas et c’est l’artiste qui
intervient . Ici c’est Jacques Lanzmann qui est responsable des textes de liaison.
La chanson de Jacques se termine par Françoise qui dit:
“ Eh bien, je porte des mini-jupes tout simplement parce
que je n’ai pas des mini-jambes. Si j’avais des mini-jambes
peut-être que je porterais des maxi-jupes. Evidemment,
en France, pour ce qui est de la façon de s’habiller les gens
ont quelquefois mini-esprit. Alors qu’en Angleterre, regardez,
tout le monde porte une mini-jupe, même les Ecossais”
Il n’y a aucun rapport avec la chanson “Comme” qui suit.
Ces “non-liaisons” donnent au spectateur l’occasion de se
reposer des images rythmées ou même envahissantes qu’il
vient de subir.
Entre les chansons “Les gens sont fous” et “Mon amie la rose”
on a quand même fait un petit effort de liaison. Mais on sait
que la liaison entre Françoise et Jacques n’a jamais été une
chose évidente et que les temps étaient souvent flous pour
Françoise qui, on la cite, souffrait d’une “immaturité affective”.
Ils n’étaient pas encore “ensemble” au temps de ce blues
Une des premières choses qu’ Averty a vu faire, c’est le négatif. Il se disait que c’était un peu simplet mais toutes ses
émissions de jazz comportaient au moins une séquence en négatif. Et puis, sans l’appliquer systématiquement ( ce qu’il
évite pour chaque trucage, souvent aidé par l’évolution des techniques), il s’en sert en temps et lieu.
Mais en 1966 il sait faire plusieurs couches d’images, et dans “Comme” on voit l’image mêlé à son négatif, donnant un
effet de bas-relief tout en gardant une image nette, grâce aux multiples contrastes. Une incrustation fort réussie ou la
surface s’impose à travers les coordonnées bidimensionnelles, la “grille”. L’image est fractalisé et puis reproduit
identique à des échelles différentes, avec un usage inspiré du négatif.
Dans cette émission le trucage du négatif surgira régulièrement ,
notamment dans l’instrumental “Tous les garçons et les filles”et
“Les playboys”où les images en négatif appartiennent à l’univers
des playboys, dont Dutronc peut se passer puisqu’il possède un
joujou extra. Dans les “playboys” les images apparaissent et
disparaissent à la note précise.
Averty nous accorde un point de repos avec “Peut-être que je t’aime” , il nous laisse seul avec Françoise qui nous
partage ses émotions contradictoires. Peu de trucages si ce n’est que l’image semble légèrement déformée, on dirait
Parfois que Françoise se trouve sous l’eau ou derrière un écran transparent. Ca crée une atmosphère de rêve...
renforcée par le jeu de lumière qui éclaircit ses cheveux.
Le programme de ce show est bien équilibré. Averty évite la monotonie et fera suivre cette chanson-ci par un feu
d’artifice dont Boby Lapointe va s’occuper dans “ Le saucisson de cheval”.
On voit ici l’application d’une technique, proche du morphing: les visages de Boby et de Françoise se superposent
jusqu’à n’en faire plus qu’un. Une fusion d’images grâce à cette machine qui s’appelle le magnétoscope electronique,
et qui permet de faire plusieurs “couches”.
Autre procédure appliquée est le collage du chanteur sur des dessins qui illustrent la chanson. On avait déjà vu
l’alternance de dessins ou gravures avec des images de l’interprète dans “ Le diable me pardonne” de Johnny
Hallyday (Hallyday-Vartan show), une année auparavant. Mais ici, dans “ Le saucisson de cheval”, les deux se
présentent simultanément. On verra ce genre d’incrustation souvent dans les émissions “Au risque de vous plaire”
du début des années 70. (voir “Fleur de lune” et “ Dame souris trotte”) . Remarquez que les différentes images nous
parviennent jamais toutes en même temps. Averty (qui rêvait d’être un bon musicien) est un chef d’orchestre qui
émet les images comme on émet des sons.
Dans “Il est des choses” Françoise Hardy se trouve au milieu de trois grands
masques qui tournent dans le même sens. Les masques se ressemblent mais
ne sont pas identiques. Il y a une différence au niveau des découpures, qui
forment les yeux et la bouche ( la position des coins de la bouche donne un masque
souriant, neutre et horrifié). L’éxtérieur blanc du masque contraste avec
l’intérieur noir. Le contraste du noir et blanc est repris dans les vêtements de
Françoise.
Le “masque” est choisi dans l’esprit de la chanson, qui parle des choses que l’autre va découvrir, peut-être, et qui
feront qu’il comprendra, avec les années. Un texte qui n’excelle pas en clarté.
Après tout, la relation humaine est placée sous le signe du masque, qui fait qu’on ne dit pas ce qu’on pense, et qu’on
ne pense pas ce qu’on dit. Le masque qui protège et cache à la fois. Il est des choses que l'on ne voudrait pas.
Averty neutralise la connerie autour de lui en la repoussant par un
faux masque. Mais c'est un homme timide et extrêmement sensible,
un écorché vif. Il a une peur atroce de mourir. Il a le sens du
tragique de l'existence humaine, de son absurdité, et il essaie de lui
donner une cohérence ( J. Siclier).
La multiplication d’un motif crée une sensation d’infini. Le masque est
multiplié, ainsi que l’image de Françoise. La confusion interne de l’
interprète se lit dans les images, qui mêlent le passé, le présent et
l’avenir. Les masques montrent les différentes émotions que l’autre va
éprouver , avant de comprendre ce qui est encore masqué à présent.
Dans le studio d'enregistrement de Jean-Christophe Averty
le sol et les murs sont peints en blanc et leur arête de jonction
disparaît sous une courbe douce. Il voulait éviter la création
d'une perspective.
Dans “Si c’est ça” on retrouve un procédé que Averty a souvent appliqué dans ses émissions antérieures, le
contraste du noir et blanc. Ce contraste peut résider dans un changement d’éclairage ou de fond.
Françoise hésite entre les deux couleurs qui peuvent symboliser deux antipodes; rêve ou réalité, la vie ou la mort.
Françoise, son acteur anglais absent, se trouve plutôt entre les deux, dans une zone troublante où tout se confond.
Confusion d’images.
Averty a évité un contraste trop dur , et la fragile Françoise se tourne en douceur ( le col en dentelle y aide). En plus,
une fois sur trois, le fond est ni blanc ni noir, mais un mélange des deux , tout en se passant du gris, la médiocrité et
l’indécision, dont Averty a horreur.
“Si c’est ça” ne se prête pas à une avalanche d’images et Averty se rattrape avec
l’instrumental “Je suis d’accord”. A part le contraste du noir et blanc , il existe
aussi le contraste des rythmes. La séquence des chansons n’a pas été laissé au
hasard. Les danseurs ressemblent à des figures hiéroglyphiques, dans le goût
des Raisins Verts. Averty joue avec les lettres de O.K. et son inverse, K.O.
On danse sur O.K. et on se bat sur K.O.
Dans “Je changerais d’avis”, adaptation d’un titre de Mina composé par Ennio Morricone, Françoise est filmée
“sur une grande échelle” devant une photo agrandie d’elle-même. On a recouru souvent à l’emploi des photos
“populaires” et agrandies de la vedette dans des émissions de télé mais Averty a l’avantage de tourner en studio.
Il a fait monter Françoise sur une
échelle ( pour d’autres chansons sur
un cube) pour obtenir le plan voulu.
L’art consiste à faire concorder
les deux visages; le vrai et celui
de la photo. Averty, en travaillant
avec des étagères à trois niveaux,
n’était jamais en manque d’échelles.
J’ai déjà parlé de la littéralité dans
l’œuvre d’Averty. Françoise chante
qu’elle changerait d’avis, alors
l’échelle et la belle déménagent de
droite à gauche.
Dans le premier duo Hardy/Dutronc “Les garçons” les images sont “collées” sur un constat amiable d’accident
automobile, juste pour suggérer que l’amour n’est qu’une collision de deux personnes.
C’est une unique occasion de voir danser Françoise Hardy, qui témoigne d’une étonnante souplesse, vu sa conviction
qu’elle ne sait pas se servir de son corps sur scène. Peut-être elle y pensait en déclarant “ Jean-Christophe, c’est
l’assurance de faire quelque chose d’intéressant en se surpassant soi-même. (SLC N° 75 novembre 68).
C’est une chanson très rythmée et Averty ne réussit pas
seulement à faire sautiller les interprètes mais aussi les
images. D’abord on voit Françoise et Jacques séparés
(celui qui chante est pris en close-up) et puis ils vont se
retrouver en tant que couple. C’est un peu leur histoire,
en l’espace d’une bonne minute.
Le montage chez Averty n’est pas le seul assemblage de
plans consécutifs mais aussi de plans simultanés ,
ici à une échelle différente.
On en a déjà parlé pour “ Mini mini “ mais pas besoin
d’un couple pour appliquer la juxtaposition d’images.
Trois Boby pour le prix d’un dans “Aubade à Lydie”.
Il s’agit de cette fameuse fragmentation de l’écran.
L’amour est un jeu de quilles...
L’amour est une espèce de hérisson
Qui s’y frotte s’y pique
Mais c’est tellement fantastique
Et puis il y a le sketch censuré parce qu’il faisait sur le mariage un humour trop fin pour être télévisé.
Ce show télévisé est la première apparition en duo de Hardy-Dutronc. Ils deviennent de bons amis
sortant souvent ensemble et la presse les voit fiancés.
Françoise commence lentement à s’intéresser à Dutronc une fois l’affaire McEnery classée. Ce n’est pas
le coup de foudre. Elle le connaît depuis un certain temps comme il travaille chez Vogue et qu’elle a chanté
qqs chansons composées par lui. ( “Le temps de l’amour” , “Vas pas prendre un tembour” ).
Puis, séduite par ses yeux bleus et son humour, sensibilité, intelligence, elle est absolument incapable de
faire le premier pas. Ce ne sont pas les occasions qui manquent mais rien ne se passe malgré des signes
infimes d’une attraction mutuelle.
Elle n’est pas non plus confiante en sa pouvoir de séduction et voit Jacquot entouré de midinettes qui lui
courent après. Mais tout s’arrangera en Corse ... en septembre 1967.
Et le petit cœur de Jean-Christope Averty ? Il appartenait à
Françoise Hardy . Mais Françoise n’était nullement attirée
par lui.
Averty: “Hardy, c’est autre chose, c’est un étage au-dessus.
C’est une fille qui a quelque chose dans le crâne. Elle l’a
prouvé. Elle se passionnait d’ésotérisme, d’astrologie...
Au lieu de l’épouser, j’ai fait la bêtise de lui présenter
Dutronc, qui était un dragueur terrible et qui l’a embarquée
(sourire). J’ai donc perdu comme ça l’amour de ma vie.
J’étais très amoureux de Françoise mais que ce soit clair,
il ne s’est jamais rien passé entre nous. ( Platine N° 142).
Il ne me reste plus qu’à souhaiter d’avoir trouvé bon mon Hardy Show (artichaut) bien qu’il était réalisé par
Jean-Christophe Averty je le trouvais pas mal. Au revoir.
Averty : Je crois, je pense ... car la vie privée des gens ne me concerne pas, quand j’ai fait un programme
entier sur elle, peut-être est-ce là qu’elle a rencontré Dutronc, qui était également dans ce programme.
Dutronc, je l’avais rencontré bien avant quand il était agent artistique chez Vogue, il était musicien, aussi
guitariste, c’est un type très sympathique, très drôle.
Superbement filmée, Françoise chante de nombreux titres,
écrits et composés par elle, tous plus beaux les uns que
les autres: Comme, Ce petit coeur, Peut-être que je t’aime,
Si c’est ça et la merveilleuse La nuit est sur la ville.
Elle interprète aussi Mon amie la rose, signée Caulier et
Lacôme, une véritable poésie musicale.
Françoise propose également deux chansons de Jean-Max
Rivière et Gérard Bourgeois: L’amitié, sa chanson favorite
et Rendez-vous d’automne.
Elle nous offre aussi trois versions françaises de chansons
italiennes: la célèbre La maison où j’ai grandi, Il est des
choses et enfin Je changerais d’avis dont la musique est
d’Ennio Morricone.
Pour que son show ne soit pas trop mélancolique et parce
qu’elle aime rire elle a invité deux énergumènes plutôt
doués. Le premier s’appelle Boby Lapointe et s’est fait une
spécialité des chansons truffées de calembours,
d’allitérations et de jeux de mots recherchés. Selon lui,
un mauvais jeu de mots se distingue d’un bon en ce qu’il
fait rire: il le prouve grâce à Aubade à Lydie et Le
saucisson de cheval.
Le second troublion va devenir le compagnon de Françoise
Hardy. Jacques Dutronc interprète Les sont fous, Les
playboys, ainsi que Mini, mini, mini avec une Françoise
Hardy facétieuse dans différentes mini-jupes. Ils chantent
Leur premier duo, une chanson humoristique Les garçons.
Sans doute l’unique occasion de voir Françoise danser, qui
plus est de façon originale. Hélas, leur autre chanson en
duo ne passe pas la censure.
Avec Françoise Hardy Blues, le réalisateur Jean-Christophe
Averty et la productrice Michèle Arnaud proposent un
écrin télévisé à la hauteur des chansons de Françoise Hardy.
Cette émission est sans conteste l’une des plus réussies
des années 60 : c’est de la haute couture. Réalisation noir et
blanc, sobre et moderne, mise en scène décalée, ballets de
Jean Guelis et enchaînements concis et drôles signés Jacques
Lanzmann (dont un savoureux “Comment devient-on
Sheila ?).
Quelle est l’opinion de la presse sur ce show ?
Françoise Hardy n’est pas seulement une vedette, elle est une personne. Photogénique à vous couper le souffle, et
d’une élégance naturelle qui ne cesse de vous surprendre, même si on la connaît de longue date: sur elle, la vieille
robe de chambre de Diderot paraîtrait une création géniale de Chanel.
La conjoncture fit que cette personne devint un personnage: alors que chacun rivalisait avec les autres de furie yéyé,
chantait ses joies frénétiques, elle a redécouvert la mélancolie: jeune fille triste, soeur Anne qui attend l’amour et ne
voit rien venir, elle faisait à Johnny Hallyday un pendant nécessaire.
Le personnage a conservé sa grâce de saule, il devient moins indispensable
depuis que Adamo et Johnny lui-même font leur part aux sombres plaisirs des
coeurs mélancoliques. Françoise a perdu son monopole, mais elle garde son
emploi : aucune chanteuse de son âge n’a autant de présence à l’écran.
J-C Averty a déversé sur nous un torrent d’images, presque toutes saisissantes,
épuisantes à la fin, par leur nombre et par l’excès de l’invention. Il faut parfois
laisser chanter les chanteurs, ne pas oublier qu’ils ont à convaincre le spectateur,
et qu’ils ne le peuvent, quand on fait tourner derrière eux et même devant, un
fond visuel haletant et papillotant. Averty m’a empêché d’entendre comme il
faut “Peut-être que je t’aime” qui me paraît être une bonne chanson.
Je reconnais qu’il ne m’a pas empêché d’entendre “Ce petit coeur” non plus
que l’admirable “Mon amie la rose”. Mais il a cru faire sur Françoise toutes
les variations photographiques imaginables. Tantôt naine et tantôt géante,
jeune fille toute rangée, ou vamp aux yeux surchargés de rimmel, embuée dans
la lumière blafarde des fantômes, ou au contraire, accusée par le contraste du
noir et blanc. Il y a des moments où on soupçonne Averty d’aimer tout, des
miroirs aux cercueils, des gants aux moulinettes, des bébés aux clowns, des
clowns aux ballerines, tout sauf les chansons; il craint qu’on ne puisse les
avaler, et les enrobe de sucres multicolores.
Françoise a eu bien raison de lui faire confiance, il l’a photographiée
merveilleusement; il a eu tort, lui, de ne pas lui faire davantage confiance à
elle, de nous crier sans cesse “ Regardez donc le petit oiseau” quand il nous
montrait, sous toutes ses faces, son beau visage. C’est vrai que ses chansons se
ressemblent, mais c’est également vrai qu’il aurait pu nous laisser une minute
tranquilles avec elle. On n’en serait tout pas moins heureux de voir beaucoup
d’émissions de cette qualité. ( “F.H. Blues” chroniquée par Emmanuel Berl,
écrivain-philosophe et mari de Mireille).
Télé 7 Jours 345 29/10/66
Est Républicain Nancy 9/10/66
Humanité Dimanche 9/10/66
Ouest-France Rennes 17/10/66
République
Toulon
17/10/66
Le Mérédional Marseille
16/10/66
L’Echo
La Liberté
Lyon 17/10/66
France Soir
La Dernière Heure
18/10/66
Midi Libre
Montpellier
17/10/66