Smoking pour femme :
la révolution selon Saint Laurent
Très bel article sur le smoking pour femme par Yves Saint Laurent en 1966.
Françoise Hardy y est évoquée ( Merci à Laurent ).
Un smoking, oui, mais pour femme! Deux ans avant mai 1968,
Yves Saint Laurent révolutionne le monde de la haute couture en
allant chercher un must dans le vestiaire des hommes. Genèse d’une
transgression devenue un symbole du chic.
«Saint Laurent est devenu le lanceur de bombes le plus élégant du monde de
la mode. Dressé sur les barricades, il sème la terreur dans les institutions»
pourra-t-on lire au lendemain de son défilé dans les colonnes du Women’s
Wear Daily à New York. C’est vrai, Yves Saint Laurent est un iconoclaste
précurseur qui pratique l’art consommé de la transgression

En 1962 déjà, il a fait défiler son premier mannequin noir, faisant fi de la
ségrégation américaine. En 1969, année érotique, il dessine une robe de
voile dont la transparence s’excuse à peine derrière une ceinture de plumes.
Plus tard, il troque les escarpins contre les cuissardes et ira jusqu’à
s’exposer nu pour le lancement de son parfum, en 1971. Mais le smoking
reste sûrement le symbole le plus abouti de l’avant-gardisme de cet
anarchiste mondain.

Il provoque une véritable déflagration, désorientant une bourgeoisie déjà
mise à mal par l’avènement de la minijupe et qui ne sait décidément plus à
quel vêtement se vouer. Même Vogue hésite. Le magazine joue la diplomatie
et conseille aux femmes n’osant arborer le smoking de l’adopter aux sports
d’hiver, «au chalet, pour dîner, là où le pantalon est (de toute façon) de
rigueur». Françoise Hardy, qui ne fera pas mentir son nom, choisira, elle,
de le porter à l’opéra Garnier. Une audace qui lui vaudra «d’être sifflée à
l’entrée comme à la sortie».
Mais comme chacun sait, le scandale est l’amant du succès. Dès l’automne, le smoking s’arrache dans la boutique
de prêt-à-porter Saint Laurent Rive Gauche. Très vite, Paco Rabanne, Givenchy, Courrèges marcheront dans le
sillage du profanateur. D’iconoclaste, le smoking deviendra vite un must, réinventé et réinterprété à chaque
collection. Yves Saint Laurent, lassé d’être copié, ira même jusqu’à regretter «l’embourgeoisement» de sa tenue
fétiche.
La tentation pourrait être grande d’y voir un penchant du couturier
pour la confusion des genres. Yves Saint Laurent n’affiche-t-il pas
ouvertement son homosexualité ? Ses femmes en smoking ne sont
d’ailleurs pas sans rappeler la vogue du «cross-dressing» de l’entre-
deux-guerres, que l’on pratique dans les colonies britanniques comme
dans les cabarets lesbiens de Paris, à l’instar du Monocle où se pressent
garçonnes et homosexuelles arborant complet et porte-cigarettes.
Mais pour Pierre Bergé, la femme de Saint Laurent n’est pas une
androgyne, «elle emprunte les vêtements de l’homme pour exacerber
sa féminité». Il faut y voir, selon Farid Chenoune, historien de la mode,
«ce que l’on pourrait appeler un nouveau contrat sexuel, une nouvelle
partition... qui ne repose ni sur le leurre radical du travestissement
lesbien, ni sur l’indétermination de l’androgynie... mais sur le paradoxe
moderne qui veut que jamais une femme ne soit aussi féminine
qu’habillée en homme.»

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