Le 28 avril 1965, un show entier dédié à Françoise
Hardy, réalisé par Truck Branss, est diffusé en
Allemagne.

La conception de la mise en scène est très poussée et
exige de Françoise une transformation physique
radicale : un maquillage sophistiqué (voire outrancier)
avec faux cils, un soutien-gorge rembourré, une taille
très marquée… Françoise évolue dans un décor d'une
sobriété extrême, le visage grave et le regard lointain.

Le parti pris esthétique consiste à jouer sur des
alternances de noir et de blanc. De nombreuses
trouvailles visuelles renforcent le côté glamour de
l'émission. La chanteuse apparaît comme une sphinge
irréelle, un peu hautaine, figée dans une beauté froide
et inaccessible mais dont la voix douce apporte le
souffle d'âme nécessaire.

Ce show avant-gardiste fera beaucoup pour la
renommée de Françoise Hardy en Allemagne
notamment parce que la chanteuse a l'occasion
d'interpréter 12 chansons à la télévision locale en
autant de tableaux spécifiques dont la moitié est
chantée en allemand. (Jérôme S. Mon amie la rose).
    Les photos dans ce dossier sont de Hans Joachim Hossmann
J’ai emprunté les excellents commentaires de Jérôme S. qui se trouvent sur son blog mon-amie-la-rose
Françoise Hardy   Le désespoir des singes  p. 62
“Merci pour le DVD de l’émission
de Truck Branss.

J’en gardais un très bon souvenir,
mais en visionnant le début, je me
rends compte que le résultat final est
très éloigné de ce que j’avais imaginé.

Le générique est d’une laideur
incroyable alors que j’imaginais
Truck Branss comme une sorte de
génie sur le plan du graphisme – les
Allemands étaient d’ailleurs très forts
dans ce domaine à l’époque.

Ca ne m’a pas donné envie de tout
visionner, je mets ça de côté pour mes
encore plus vieux jours s’ils arrivent
jamais !”
(e-mail F. Hardy 18/01/2011)
La Walküre, qui se promène
dans ce lieu désert, comme dans
une scène d’un opéra oublié, n’est
autre que Françoise Hardy.
Une Françoise, modelée aux
fantasmes du réalisateur Truck
Branss. Visage trop fardé, des faux
cils et seins et une taille très
serrée.
Françoise s’arrête aux  panneaux
où les paroles de la chanson ont été
traduites en allemand. C’est une
traduction littérale qui ne correspond
pas au texte de “Ich bin nun mal ein
Mädchen”.
Le lien entre les tableaux est assuré par un retour régulier à une image où figure le nom de la chanteuse en grandes
lettres blanches. Chaque lettre est associée à une miniature de Françoise Hardy qui se met subitement à grandir au
point d'envahir tout l'écran et annoncer le début de chaque chanson. La fin de chaque titre se concrétise par un
retour vers une autre lettre de cette image fil rouge, dans une sorte de zoom arrière fort élégant.
Le show commence par
Pourtant tu m'aimes
en proposant un voyage de N
vers Y.
Une usine désaffectée. Une femme portant
une longue robe noire, mystérieuse, vue de dos.
Une mariée en noir, une déesse vengeresse?
Sa silhouette noire contraste avec les colonnes
blanches et le grand rideau blanc qui ne tarde
pas à s’ouvrir.
Suit Frag den Abendwind. Très fière, dans un ensemble blanc surchargé d'une traîne, Françoise semble être sous la
protection de la lettre Y avant d'être projetée dans un décor naturel, accidenté et lunaire. Ses cheveux masquent une
partie de son visage qui reste néanmoins impassible tout au long de la chanson. Françoise ne bouge pas. C'est la
caméra qui se rapproche d'elle. Très longtemps de face, son visage apparaît subrepticement de profil. À la fin du titre,
elle est filmée de très loin avant de disparaître dans la lettre A. (Jérôme S. Blog Mon amie la rose)
On retrouve alors Françoise dans l'usine désaffectée. Cette fois-ci, elle chante Peter und Lou. Elle porte une longue
robe blanche sans manches. D'abord allongée, les bras en croix dans une abondance de coussins blancs et de
coussins noirs, elle se relève et se promène en s'éloignant d'un R majuscule. Après avoir traversé différents
échafaudages, elle se retrouve au milieu de rideaux de tulle sous un gros lustre d'apparat en cristal avant de
disparaître dans un E.
Elle chante alors La Mer. Devant un grand E, entouré de larges et longs bandeaux de voiles qui s'agitent, Françoise
a conservé sa robe blanche sans manche mais a récupéré une petite traîne. Elle regarde fixement la caméra et reste
encore plus impassible que dans les tableaux précédents. Elle se tient debout à côté du E tout au long de la chanson
avant de disparaître dans un H.
“La mer” et “Les feuilles mortes”,
2 standards de la chanson française,
que Françoise interpréte ici pour
une exploitation sur le marché
allemand,connaîtront une deuxième
carrière. Vogue publiera en 1969,
lorsque Françoise quitte l’écurie,
un dernier 45 tours qui reprend les
deux titres. Le Japon suivra (1972).
Les feuilles mortes/Si c’est ça
Vogue YT-1001
Japon 1972
Vogue VPS-1003
Japon 1972
Vogue V.45.1798
France 1969
Vogue/Jugoton SVG-8463
Yougoslavie 1971
Vogue CLVLX 336  France 1969
Vogue  SJET-8245  Japon 1970
Vogue VGC 7065 L’afrique du Sud 1970
LP Aujourd’hui
Vogue/Orbe ORLP 4272
Venezuela 1969
LP Vogue YX 6076 Japon 1973
Elle enchaîne avec Er war wie du. Cette fois-ci, Françoise porte une robe noire à manches longues. La caméra se
rapproche petit à petit de son visage sur lequel elle reste fixée un long moment. Une grande tristesse semble
irradier de sa figure qui finit par s'évanouir dans un O.
“ Er war wie du” est sans doute la chanson allemande de cette époque que Françoise préfère. La plupart des
adaptations allemandes se rend coupable d’un romantisme pompeux , riche en clichés et sans un brin d’ironie.
Le O renvoie de façon ludique à Oh Oh chéri chanté en français. Françoise est nettement plus souriante voire
espiègle. Habillée d'un ensemble pantalon noir, elle se promène à l'intérieur d'un jeu de société à échelle humaine
fortement inspiré des petits chevaux. Les pions se déplacent tous seuls et encerclent Françoise avant que celle-ci
ne s'asseye sur un dé pour disparaître dans un A.
Avec Vorrei Capirti Françoise offre une petite escapade en italien. Toujours sur le principe de la promenade dans un
décor étrange, Françoise est propulsée dans une clairière dans laquelle tombent régulièrement quelques cascades
de sable blanc. Pour l'occasion elle porte une grande robe blanche sans manches. La fin de la chanson s'évanouit
dans un F.
Françoise réapparait pour Ich hab das Glück dans un ensemble pantalon blanc à manches longues. Elle quitte le F
pour s'installer dans une voiture décapotable blanche aux sièges sombres. Elle est essentiellement filmée en gros
plan et esquisse fugitivement quelques brefs sourires. À la fin de la chanson, son visage se brouille et elle disparaît
dans un D.
La version allemande de “ J’aurais voulu “
connaît un happy end qui est totalement
étranger à l’original français et trahit
l’univers de Françoise Hardy où il n’y a
pas d’amour heureux et où l’amour s’en
va puisqu’il ne dure pas toujours.
Françoise interprète alors Les feuilles mortes. On la retrouve dans un ensemble noir. Elle chante à côté d'une
reproduction géante de son visage au milieu d'un ensemble de lettres enchevêtrées disposées en tous sens.
Le tout disparaît dans un S.
Françoise réapparaît tout en blanc pour chanter Le premier bonheur du jour. Appuyée sur un S inversé, elle entame
la chanson avant de monter sur le dos d'un cheval blanc qui fait quelques pas avant qu'on ne retrouve Françoise
alanguie dans un fauteuil. Elle reprend ensuite sa balade à cheval pour disparaître dans un I.
Françoise se repose dans un fauteuil rococo,
entre rêve et réalité et son cheval blanc se
trouve à l’autre côté de l’étang.
Françoise termine le show en interprétant
Wenn dieses Lied erklingt. Pour la circonstance,
elle est revêtue de la longue robe noire à
manches longues du premier tableau. Elle se
tient très raide, les bras le long du corps.
Après un long moment immobile, Françoise
reprend sa déambulation à travers l'usine et
croise toutes les pièces qui ont permis
d’accessoiriser les décors des tableaux :
les lettres, les pions de Oh Oh Chéri, les
échafaudages, les panneaux traduits de
Pourtant tu m'aimes, le fauteuil du Premier
bonheur du jour, etc.…
Françoise quitte alors définitivement le show
dans un fondu au noir…
Au final toutes les lettres de son nom et de son prénom auront été utilisées pour introduire une chanson à l'exception
du C, qui peut-être à cause de sa cédille aurait pu devenir sujet de controverse...
Françoise Hardy singt bei Uns
Zwei Augen voller Tristesse “ Ich mag diese Zeug
nicht in meinem Gesicht”, sagt sie und schiebt die
Schminke weg.

“ Ich mag nicht” ( je n’aime pas...) das gehört zu
Françoise Hardy. Das ist ein Satz, den sie oft sagt.
Das klingt aus ihrer leisen, unausgebildeten Stimme,
wenn sie vor dem Mikrophon ihre traurigen kleinen
Lieder singt: “ Die Liebe geht...”, “Ich hab’ das
Glück...”.

Sie sagt so oft: “Ich mag nicht über meinen Vater
sprechen...”, “Mit fünfundzwanzig werde ich ver-
gessen sein. Ich mag das grosse Star-Leben nicht...”.

Und ihr Blick geht dabei ins leere. Sie sieht selten
jemanden an, wenn sie spricht. Die Arme hängen lose
an ihrem schmalen, knabenhaften Körper herunter.
So als wäre sie gar nicht da.

Fernsehregisseur Truck Branss holte sie für seine
Show-Serie “ Porträt einer Stimme” vor die Kamera.
In weissen, unwirklichen Kleidern und Anzügen stellt
er sie in genauso unwirklichen Kulissen. Sie liegt in
einem Rokoko-Sessel. Sie steht allein im Wüstensand
wie die Erscheinung von einer anderen Erde. Sie
singt in  einer leeren Maschinenhalle.

Das Mädchen Françoise lebt ausserhalb dieser Welt.
Unbeteilgt, unberürht. Und im Wirbel des Aufnahme-
studios, zwischen Beleuchtern und Kameraleuten
steht das Mädchen Françoise wie ein fremdes, kühles
Standbild. Sie lächelt nicht. Sie schaut in den Spiegel
und sagt leise und ohne Betonung: “ Ich mag nicht ...”.

Neue Illustrierte 15.11.1964
Zwei Augen voller Tristesse
Il ne faut pas très bien comprendre l’Allemand pour saisir que la teneur de l’article n’est pas très élogieuse envers
Françoise, pour ne pas dire que ça sent la revanche.

On s’en prend à son attitude ( désintéressée et peu cooperative), sa physique ( un corps maigre et juvénile), sa voix
( douce et peu développée) et ses chansons ( kleine Lieder).

L’auteur de l’article ( ? ) la dépeint, dans le show de Truck Branss, comme une statue; froide, immobile et le regard vide.
Ce sphinx semble appartenir à un autre monde et vit en dehors des décors irréels dans lesquels le réalisteur le fait évoluer.

C’est évident que le “ à prendre ou à laisser” - style de Françoise n’emballe pas tout le monde mais le show fera mouche.
Le 14 octobre Françoise et Truck Branss étaient les invités du Téléjournal allemand “Hüben und Drüben”.
On a fortement l’impression que Françoise passe cette interview contre son gré. Jouant avec un chat en peluche,
cadeau offert par Truck Branss, elle n’est pas très coopérative. Quand l’interviewer dit que Françoise est l’idole des
jeunes en France elle répond qu’elle n’aime pas le mot “idole” qui ne s’appliquait que pendant cinq mois au maximum.

Elle n’a pas écrit ses textes en allemand. “Hélas” ajoute Truck Branss qui affirme que de tous les textes de chansons
dans le show ceux de Francoise sont les meilleurs ( On sait que Françoise regrettait vivement la médiocrité de
ses textes allemands). “Françoise Hardy” est son vrai nom, pas un nom d’artiste. Ses autres prénoms sont Hélène
et Paule, elle ignore pourquoi.

Ses projets dans l’immédiat : passer 3 jours en Corse, éventuellement l’Espagne, l’Italie et l’enregistrement
des chansons françaises à Londres ce qui semble étonner Truck.
Vogue embrasse le succès du show pour pousser son poulain sur le marché allemand. La compagnie sort 2 albums
intitulés “Portrait in Musik”
Ce 33-tours reprend les 12 chansons du show. Au dos de la pochette on trouve un aperçu du show en douze photos.
Une photo par chanson.
Vogue sort aussi un 25 cm, reprenant neuf  titres des douze. Au dos une photo de Françoise, dans son ensemble 
blanc de Courrèges, prise lors de l’enregistrement de “Frag den Abendwind” dans l’émission “Meine Melodie” 
diffusée le 24/05/65.
La compagnie allemande Discoton sort  aussi un LP “Portrait In Musik” que Françoise partage avec Udo Jürgens, bien qu’il
n’y a pas de collaboration artistique à cette époque. Les six chansons de Françoise proviennent du téléshow.

Outre Rhin, à la suite de l'émission, Frag den Abendwind deviendra rapidement un tube.
Hör Zu  N° 17  25/04/65
Le 3 janvier 1966  Françoise Hardy chante, à la
demande des téléspectateurs allemands cette fois,  
de nouveau “Frag den Abendwind “ dans l’émission
“Meine Melodie” toujours réalisée par Truck Branss.
Le 24 mai 1965 Françoise, introduite par le DJ Sam
Jensen du SBF (Sender Freies Berlin) chante
“Frag den Abendwind” dans l’émission
“Meine Melodie” également réalisée par Truck Branss.
En Autriche la plus haute position (15/9/65) est la neuvième
et la chanson restait 4 semaines dans le top 30.
Offiziele Deutsche Charts
Cette popularité lui vaut  en 1966 le “Silbernen Otto”, attribué par les lecteurs de Bravo, l’hebdomadaire pour les
jeunes Allemands. Ce magazine met Françoise plusieurs fois à la une, toujours sur la couverture au dos.
Françoise Hardy la chanteuse la plus populaire
après Manuela.