Mars 1968
En mars'68 Françoise Hardy continue son périple en 
Afrique du Sud. Dimanche le 10 mars son avion, en 
provenance de Johannesburg, atterrit à  Louis Botha, 
l'aéroport de la ville portuaire de Durban.
Une pénétrante voix d'un garçon filtrait à
travers  les vitres de voiture fermées : "Hello
Francis". Peut-être il n'était pas capable de
prononcer son nom mais il était hier à l'aéroport
Louis Botha de Durban avec 6.000 autres fans
pour donner un accueil très chaleureux à la
chanteuse française Françoise Hardy.
C'était la pagaille au moment où Françoise,
vêtue d'un pull noir et d'un pantalon noir en
velours côtelé, sortait de l'avion.
Trente-cinq policiers n'arrivaient pas à retenir
la foule grouillante el la chanteuse a dû se
réfugier dans sa voiture.
C'est là que je l'ai rencontrée, en sécurité derrière
les vitres fermées et portières verrouillées pour
éviter que les fans criants entrent. Le trajet de
l'aéroport à son hôtel à Umhlanga Rocks ( 14 km)
a duré presque deux heures.
Subjugation
Elle souriait énigmatiquement en gesticulant
un peu. Je doute que Durban ait jamais connu
un dimanche après-midi pareil. L'accueil
accablant avait créé un embouteillage plus
grand que celui dû aux travaux de l'autoroute
de l'Ouest.
Au début la police avait frayé un chemin à
travers un tunnel humain à côté de la route de
l'aéroport. Puis nous étions tout seul -  tout le
temps coincé dans un convoi de bus, motos et
autres voitures. L'Esplanade était remplie d'
une chaîne de klaxons hurlants qui brisaient
l'après-midi paisible.Françoise a à peine
entrevu le fameux Golden Mile à cause de
toute cette activité sur la route.
Pour moi c'était une experience stupéfiante.
Je demandais son avis à Françoise. "Je trouve
ça drôle" répondit-elle de sa voix légèrement
rauque, tiraillant nerveusement la croix de
Malte autour de son cou.
Plus tard, au bout d'un siège de plus d'une heure,
elle avouait franchement " Je suis étonné". Puis,
perdant légèrement son sang-froid pour la
première fois, elle admettait avec joie "J'aime ".
Du cortège des visages souriants regardaient
fixement la voiture. Tout les yeux étaient fixés,
presque hypnotiquement, sur la jeune fille pâle
et angulaire, aux yeux bleus fumés, derrière moi.
Est-ce que toute cette adoration lui procurait un
sentiment de pouvoir ?
"Ca ne m'arrive pas souvent" elle me répondait
avec un sourire modeste.
Françoise ne connaît pas le secret de son succès.
"Je pense", disait-elle au bout d'une longue
pause, "que c'est vraiment une question de
chance. J'étais là au bon moment".
A l'hôtel elle devait , aidée par la police, glisser
à travers une foule déferlante pour finalement
atteindre le paisible havre de son penthouse.
Des agents de police gardaient la porte.
On lui apportait une tasse de café. Prenant un
édulcorant de sa poche elle poussait un ouf de
soulagement.
Quel après-midi !
Le 6 mars la chaîne américaine ABC programme le documentaire "Monte Carlo ... C'est la rose", un tour musical
de Monte Carlo , réalisé en mai '67 et présenté par la princesse Grace Kelly (voir mai 1967).
DURBAN (Afrique du Sud), lundi (AP) - Françoise Hardy ne
voulait pas être photographiée en maillot de bain. Aussi, lorsque
les reporters la surprirent sur la magnifique plage d'Umhlanga
Rocks, près de Durban, lutta-t-elle un instant contre le vent
pour enfiler une veste sur son minuscule deux-pièces. La jeune
chanteuse française qui poursuit actuellement sa tournée en
Afrique du Sud, avait eu, quelques jours auparavant le privilège
de déjeuner avec le professeur Barnard et d'applaudir à la sortie
de l'hôpital Philip Blaiberg (26/03/68) .
Du 13 au 16 mars Françoise Hardy chante au Alhambra Theatre
à la ville du Cap. Le public s'en souviendra longtemps.
Françoise la divine brille avec la luminosité
       d'une véritable grande artiste
THE FRANCOISE HARDY SHOW, avec Françoise Hardy, les cosaques de
Kouban, The Three Monarchs, Joe Andy et Don Crockett (Alhambra).

L'image vitale et passionnante de la jeunesse, symbolisée par l'élancée,
cynique, divine Françoise a frappé un public réceptif avec une force
vue au théâtre de nos jours.

La chanteuse longiligne, magnifiquement élégante dans son ensemble
blanc, calme et professionnelle, impénétrable, fascinante, parcourait la
scène de l'Alhambra à grands pas, saluait vite son public et passait
immédiatement aux affaires du divertissement.
Et ça elle l'a fait d'une manière propre à une grande star.
Dès qu'elle faisait son entrée jusqu'à la fin du spectacle elle captivait le
public par ses chansons envoûtantes et tristes, chantées d'une voix rauque
qui n'appartient qu'à elle.
Elle laissait derrière elle des larmes, du bonheur et un public sidéré par
l'impact que la frêle Française avait sur lui. Hardy est encore jeune mais
elle dégage le rayonnement d'une artiste douée de grandeur.
C'est une grande star et personne qui l'a vue n'oubliera jamais son
sourire cynique, souligné par le bouton sur son visage démaquillé, très
pâle, ordinaire des fois et d'autres fois d'une beauté époustouflante.
Personne n'oubliera la manière dont elle a accepté les applaudissements,
surprise mais le visage triste.
Personne n'oubliera son visage, le visage d'aujourd'hui.

                     De longs applaudissements   
           
Parce que cette jeune femme aux cheveux, longs et blonds, délibérément
en désordre, est le présent. Elle représente le son, la joie et la tragédie de
la jeunesse. Elle est Françoise la divine, Françoise la magnifique,
Françoise ce mélange curieux d'innocence et d'expérience.
Chaque chanson, connue ou moins connue, a soulevé des salves
d'applaudissements de son public fasciné et ravi. Son image nous restera
pendant longtemps.
Hardy était habilement éclairée par quelqu'un qui était manifestement
un expert. Des fois baignée en rose, d'autres fois en mauve ou vert tendre
- un effet extraordinaire. Ses accompagnateurs  - piano, trois guitares,
batterie et trois jeunes choristes - en arrière-plan, on les voyait peu -
apportaient le support que tout artiste apprécierait.
Actualités françaises 19/3/68 : Au Cap le docteur Blaiberg rentre chez lui
Dernière Heure 19/03/68
From the book "The second life"
memoirs of Chris Barnard.
Françoise Hardy a également trouvé le temps d'aller poser pour le
Peintre sud-africain Vladimir Tretchikoff au Mill Street Art Studio
du Cap. Le tableau Rainy Day du maître est un portrait de la
chanteuse.
L'Express du 25 mars 1968  
Françoise Hardy vit la tête en bas
par Patrick Thévenon, publié le 26/03/2018
Rencontre avec une chanteuse qui a décidé de ne pas se prendre au sérieux, qui se passionne pour la littérature
et qui tient à maintenir ses distances avec le vedettariat.

Elle s'avance, précédée des rumeurs les plus frigorifiques: vous n'en tirerez pas une syllabe, c'est la Belle au bois
dormant, elle vit pratiquement dans le coma.  

A 4 heures de l'après-midi, la Belle au bois dormant ouvre tout juste l'œil. L'autre est encore fermé. Mais la voix
est nette, le rire clair. La Belle sait ce qu'elle veut dire et le dit parfaitement.  

Il y a deux Françoise Hardy. L'une rentre d'Afrique du Sud, où elle a donné plus de trente récitals, deux par jour,
trois le samedi. A l'aéroport de Durban, cinq mille personnes l'attendaient, criant: "We love Françoise, we want
Françoise!". Au Cap, le Prof. Barnard est venu prendre un verre avec elle. Il lui a donné sa photographie et un
laissez-passer pour aller voir l'ancien cœur du Dr Blaiberg, dans son bocal.

Cette Françoise-là, que les téléspectateurs verront au cours du "Tilt Magazine" du 27 mars, a vécu, non la première,
mais, jusqu'à nouvel ordre, la plus grande aventure de sa vie.  
L'autre Françoise est restée à Paris, ou ailleurs, dans ses rêves. Elle considère l'événement et elle l'évalue, avec
des mots précis: "Tout cela n'a pas grande importance. Je garde la tête froide. L'admiration qu'on vous porte de
loin, celle des foules, c'est très facile et très aléatoire."  

Il y a deux Françoise Hardy. Et cela, depuis le premier jour de son succès (c'était le 8 octobre 1962 à la télévision).
L'une agit, l'autre juge. En toute logique, c'est la première qui devrait vivre, ou en donner l'impression, tandis que
la seconde, réfugiée seule chez elle, pourrait se livrer en paix à ses fantasmes. Mais, comme les reines de jeu de
cartes, Françoise Hardy ne se contente pas de mener une vie double, elle en mène une la tête en bas.  

Cet air de zombie

C'est quand elle chante, quand elle signe des autographes et, accessoirement, quand elle donne des interviews
qu'elle s'absente, qu'elle prend cet air de zombie inspiré qui fait son charme: "La plupart du temps, je chante en
pensant à autre chose, au livre que je suis en train de lire, à ce que je ferai le lendemain."

En revanche, c'est quand elle parle d'un tout autre sujet - de ses flâneries dans les librairies à la recherche d'un
livre ou d'un auteur nouveau qui lui fera un choc; jusqu'ici: Proust, Camus, Céline et Ionesco - qu'elle s'anime,
qu'elle rit, qu'elle découvre son visage, qu'elle lance ses jambes par-dessus le bras de son fauteuil, qu'elle émet
des opinions catégoriques, à cent lieues des "oui, non, je ne sais pas" qu'on lui reproche souvent - par exemple:
"Pendant la tournée en Afrique du Sud, j'ai lu les oeuvres complètes d'André Gide. J'ai été horrifiée. Qu'est-ce que
ça peut être démodé!" - en un mot, c'est à ce moment-là qu'elle vit.  

Les deux Françoise se rencontrent parfois: "Je chante mieux quand je suis malheureuse. Il y a un an, quand je
chantais 'Il n'y a pas d'amour heureux', j'avais la larme à l'œil." Françoise II avait un chagrin d'amour, Françoise I
en alimentait son talent. Mais, la plupart du temps, elles mènent des existences parallèles, en bonne intelligence,
sans plus. Françoise II sait garder ses distances, Françoise I ne l'impressionne nullement: "Prendre ce métier au
sérieux, je ne le peux pas. A 17 ans, je voulais enregistrer un disque. C'était pour moi le bout du monde. Je ne
désirais rien de plus. Le reste est venu tout seul, sans que j'intervienne. Alors, pourquoi se donner du mal?
De toute façon, je ne puis rien y changer."  

Sa participation, si l'on peut dire, se limite à la passivité: "J'attends. J'attends dans les studios de télévision,
dans les aéroports, dans les hôtels, chez les photographes. Et quand j'ai un instant de libre, il y a tellement de
choses à faire que je passe mon temps à hésiter et que, finalement, je ne fais rien."

La voix d'Ella

Mais tandis que l'une se morfond, l'autre cogite. L'immobilité est propice à la réflexion. Les sujets favoris de
Françoise Hardy sont, outre les bons auteurs, le rêve: "J'adore dormir parce que je fais des rêves passionnants.
Au moins deux ou trois par nuit. Et je m'en souviens tout au long de la journée du lendemain." La forme physique:
"Il ne faut jamais se laisser aller. Grossir, c'est déjà vieillir. Je ne fais qu'un repas par jour, du fromage et du beurre.
" Elle pèse 49 kilos et mesure 1,72m. L'étude: "J'ai étudié successivement la guitare, le chant, le yoga, l'équitation
et la danse classique. J'ai tout arrêté parce que je manque de temps. Mais, de toute façon, il vaut mieux
commencer les choses que de ne rien faire du tout."

Et la chanson? Ah! la chanson. "A 17 ans, j'en écrivais une par jour. Aujourd'hui, je n'en écris plus qu'une tous les
deux mois. C'est très angoissant. Chanter, c'est à la portée de tout le monde. Si encore j'avais la voix d'Ella
Fitzgerald... Mais faire des chansons, j'aime ça, c'est ma seule justification. J'ai envie que ça continue."  
Capetown : Françoise Hardy was sold out weeks in advance (Billboard 06/04/68)
C'est Jean-Pierre Spiero qui
est aux commandes de la
réalisation de l'émission TILT,
présentée par Michel Drucker.

Caractéristique pour l'époque
et surtout pour TILT est le
décor constitué de photos
géantes et connues de la
vedette.

Françoise appréciait le travail
de Jean-Pierre Spiero.
“Non je ne suis pas de votre
avis, au contraire. Je trouve
que les réalisateurs dans les
années soixante, comme
Jean-Christophe Averty ou
Jean-Pierre Spiero, étaient
plus créatifs et innovateurs
que ceux d’aujourd’hui.
C’était excitant et c’étaient
eux les vrais artistes”.
( Françoise répliquant à J-P
Foucault dans “Sacrée Soirée”)
L'aurore 26/03/68
Françoise Hardy collecte sa combinaison composée
de maillons métalliques dans l’atelier de Paco Rabanne.

Dans le coin en bas gauche on voit le matériel qui a servi
à la fabrication du blouson de Françoise, acheté début
1967.

Paco Rabanne lance les fourrures tricotées. Des bandes
de fourrures, larges d'un centimètre environ, sont
tricotées, comme de la laine, avec d'énormes aiguilles en
bois de trois centimètres de diamètres. Rabanne
démythifie la fourrure, sacralisée dans le système de
valeurs traditionnels, et propose aussi des vêtements de
fourrure synthétique tricotée.
Fourrures, plumes, dentelles et broderies subiront elles aussi les assaults de Paco Rabanne. On retrouve les célèbres
pastilles de tabliers de protection de bouchers, la fameuse fourrure tricotée qui donne des manteaux, capes, tuniques
et même pantalons légers et portables. L’expérimentation des matériaux amènera Paco au papier (robe de mariée en
papier), bois, caoutchouc, usage de la lumière.

Le premier juin 1968 Françoise présente “la moda francesa” de Paco Rabanne dans le magazine espagnol Ama. Les
photos sont prises en mars. On voit l’évolution de Rabanne qui sait marier le métal à des matériaux plus classiques ou
recourt à des tissus rejetés auparavant.
El metal se combina perfecta-
mente con el tejido en este
original modelo de Paco
Rabanne.
Françoise luce, muy complacida, un
originalisimo abrigo de punto recubierto
en su totalidad de pétalos de color verde
manzana (pétales couleur vert de pomme).
Traje de punto en perlé color palo rosa
con cadena dorada.
Françoise Hardy luce, muy
sonriente otro gracioso modelo
de Paco Rabanne. Conjunto de
polo y bermudas en tela de rizo
blanco. ( terry blanc ).
Françoise accroche un tableau
rapporté d'Afrique du Sud.
It was the South African producer and theatre
manager Pieter Toerien who brought Francoise
to South Africa. (Celia Short)
L'engouement dont Françoise est l'objet l'oblige à de fréquentes
dédicaces. Ici au Cap le 19 mars '68.
HITPARADE  mars 1968
Ma jeunesse fout le camp : 31ème place
(info Juke-box Magazine N° 259  Spécial 68)
Des ronds dans l’eau : 19ème place
(info Juke-box Magazine N° 259  Spécial 68)
FRANCE
M.A.T. N° 41   mars 1968   3 Grandes en question : Françoise, Sylvie et Sheila.